-ANACR du FINISTÈRE-


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Marcel BERGAMASCO Saint Marcel





Mis en ligne sur le site le 26 mars 2021
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Source : https://www.letelegramme.fr/bretagne/le-dernier-marcel-de-saint-marcel-18-03-2021-12720717.php?xtor=EPR-3-%5Bquotidienne%5D-20210318-%5Barticle%5D&utm_source=newsletter-quotidienne&utm_medium=e-mail&utm_campaign=newsletter-quotidienne


Le dernier Marcel de Saint-Marcel



C’était il y a bientôt 77 ans. Mais Marcel Bergamasco raconte la Résistance, le maquis et la bataille de Saint-Marcel comme si c’était hier. Pour ses 96 ans, le Ploërmelais a offert un récit extraordinaire, ce mercredi 17 mars 2021. Le récit de sa vie.

A 96 ans, Marcel Bergamasco n'a rien oublié "des Boches et de Saint-Marcel"
Devant le camion U23 à gazogène de la Seconde Guerre mondiale, le presque centenaire fait tout petit. Mais quand il monte sur le marchepied et s’installe au volant, Marcel Bergamasco, 96 ans, lâche sa canne et devient grand. La scène se passe au musée de la Résistance en Bretagne, à Saint-Marcel (56).

Ce mercredi après-midi, le retraité a eu droit à un drôle de cadeau d’anniversaire. Trois jours après la date officielle, l’équipe a prétexté une simple visite de chantier pour mettre l’ancien résistant devant ce camion, qui deviendra la pièce maîtresse du musée réhabilité, après sa réouverture, l’été prochain. « C’est un engin comme celui-là que Marcel conduisait, lorsqu’il a rejoint la clandestinité et le maquis de Saint-Marcel, en juin 1944, raconte le conservateur Tristan Leroy. Il y a transporté des maquisards des Forces françaises de l’intérieur, des armes, des produits de parachutage. On ne voyait pas meilleure façon de le saluer ».
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Champion des tours de cochon

Lorsque la bâche qui couvre la machine est dévoilée, Marcel Bergamasco marque un temps d’arrêt. Puis se dirige vers le réservoir et là, tout s’éclaire : « Ici, il y a un carburateur, qui peut fonctionner à gaz et à essence. Sur mon camion à moi, j’avais monté un petit réservoir sous le capot. Quand je devais aller très vite, j’activais une tirette qui coupait le gaz… et je passais de 40 à 100 km/h ! »
Son histoire de jeune résistant, l’ancien chauffeur routier l’a déjà racontée des centaines de fois, au musée et lors de nombreuses interventions scolaires. Les yeux du gamin de 15 ans, qui, dès 1940, a commencé à crever les pneus « des Boches », sont toujours aussi bleus, 77 ans après la bataille de Saint-Marcel. « Il en a fait, des tours de cochon qui auraient pu lui coûter cher, résume Tristan Leroy. Réquisitionné par l’occupant pour faire des livraisons, Marcel en profitait pour visiter les cantonnements allemands et donner du renseignement à la Résistance ».

Il en a fait, des tours de cochon qui auraient pu lui coûter cher. Réquisitionné par l’occupant pour faire des livraisons, Marcel en profitait pour visiter les cantonnements allemands et donner du renseignement à la Résistance

« J’entends encore les balles partout autour de moi »

Au volant, la mémoire redémarre. Dix minutes d’un premier récit, et le regard s’embue. « Le plus dur, franchement, ça a été la bataille de Saint-Marcel ». 18 juin 1944. Douze jours après le Débarquement de Normandie, la feldgendarmerie allemande entre dans un maquis de 800 hectares, où 2 500 hommes ont organisé la résistance à l’ennemi, dans le cadre de l’opération Overlord. Armés jusqu’aux dents, après des parachutages de milliers de containers, les maquisards français, encadrés par le 2e régiment de chasseurs parachutistes de la France Libre, se défendent. Une journée et trois attaques plus tard, les Allemands battent en retraite. Mais il y a 28 morts et 60 blessés côté français, beaucoup plus côté allemand. Marcel Bergamasco y était. « J’entends encore les balles qui sifflaient partout autour de moi. J’ai perdu beaucoup de copains, confie-t-il. J’avais 19 ans et j’ai cru que je ne reviendrai jamais chez moi. Ça a été un massacre ».

Le Ploërmelais Marcel Bergamasco a eu 96 ans dimanche 14 mars 2021. Son cadeau d’anniversaire ? Une visite en avant-première des travaux au musée de la Résistance en Bretagne de Saint-Marcel, dont il est l’un des derniers passeurs de mémoire encore en vie. (François Destoc)

Le dernier passeur

Avec la verve d’un conteur, Marcel tombe le masque pour raconter une autre anecdote. Joyeux, cette fois. Le regard vif et encore narquois. Les noms, les dates, les lieux, tout lui revient avec une incroyable précision. « J’ai été arrêté à plusieurs reprises par les Boches. Mais je me suis échappé à chaque fois. Ils m’ont cherché, il a fallu se planquer dans les fermes, dans les champs ou la forêt. Mais ils n’ont jamais retrouvé l’oiseau ! »
Bénévole et collaborateur de l’OBC (de l’Oust à Brocéliande communauté) l’autre Saint-Marcellois, Gaby Pierre, 73 ans, boit les paroles de son aîné. Le fameux camion U23 à gazogène, c’est lui qui a contribué à le retaper : « Marcel est le dernier passeur de mémoire. Il nous livre aujourd’hui des détails inédits et tellement précieux ! » Des témoins vivants de ce maquis et de cette bataille, considérée comme l’un des plus hauts faits d’armes de la Résistance française, il n’en reste aujourd’hui quasiment plus d’autres. Marcel Bergamasco a toujours foncé. Mais à 96 ans, il a peut-être peur pour la première fois. Peur pour la liberté. « On peut facilement la perdre, glisse-t-il, avant de partir. Mais la reconquérir, je sais combien c’est très, très, très dur ».