-ANACR du FINISTÈRE-



Le livre des Justes d'une famille de Haute-Garonne Littérature – Mémoire
Mis en ligne le 16 décembre 2018

www.ladepeche.fr/article/2018/12/09/2921563-le-livre-des-justes-d-une-famille-de-haute-garonne.html


Le livre des Justes d'une famille de Haute-Garonne Littérature – Mémoire
Laurent Robène à Moissac./ DDM, M.B.


Ils étaient des membres actifs de cette fameuse armée des Ombres qui résista pendant les années sombres et ne réclama rien après. Lucien Robène et son épouse Blanche ont écrit, dans leur maison de Pechbonnieu, en Haute-Garonne, une merveilleuse histoire entre 1939 et 1945. Ils ont caché de nombreux clandestins leur évitant un sort funeste. Et ils ont été reconnus «Justes Parmi les Nations» en 2017.

Ils ont caché plus de soixante-dix personnes

C'est cette histoire que Laurent Robène, installé à Moissac (Tarn et Garonne), reprend avec talent dans un ouvrage qui vient de sortir «La Chambre de derrière» aux éditions L'Harmattan : «J'ai croisé les témoignages de ma maman, Marguerite, qui était alors âgée de 10 à 14 ans, mais aussi des écrits de sa tante, aujourd'hui décédée, raconte Laurent Robène.

Puis j'ai essayé de croiser diverses sources de recherches, des archives pour retracer la vie quotidienne dans ce village et des nombreux pensionnaires de cette maison».

Selon les recherches menées par Laurent Robène, dans les archives de la préfecture de la Haute-Garonne et dans celles de la commune de Pechbonnieu, plus de 70 personnes ont été cachées dont des membres du célèbre réseau Combat ou ceux du Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et de Déportés (MRPGD).

C'est donc une somme de détails qui, accumulés, ont permis à Laurent Robène de mettre en musique cette étonnante et attachante histoire. Car les indices recueillis par Laurent Robène ont permis de confirmer que tous les habitants ou presque de Pechbonnieu étaient au courant : «Il y avait autour de 400 habitants.

Personne n'a jamais rien balancé». Ironie de l'histoire, le responsable régional de la sinistre Milice habitait le même village : «Je crois qu'il a eu peur d'éventuelles représailles qu'on lui avait promis. On a assisté à une véritable solidarité de village qui a permis à cette maison de continuer ses activités au quotidien».

Un véritable travail de fourmi qui permet de restituer avec précision et force de détails la vie dans cette maison qui abrita le résistant Edgar Morin (voir l'encadré), mais aussi Clara Malraux ou encore le Dr Epstein, le médecin toulousain : «La maison de Blanche et Lucienne était un lieu de vie, en plein cœur de Pechbonnieu et tout le monde savait ce qui s'y passait, note l'auteur. Cette maison a servi de lieu de rencontre, de séjour mais aussi d'étapes pour des transferts vers les Pyrénées», note-t-il avec émotion et reconnaissance.

«Fier d'avoir réalisé ce travail de mémoire»

C'est cette histoire que réussit à faire vivre Laurent Robène. Un premier livre plein de tendresse mais qui se révèle aussi constituer une mine d'informations pour les historiens : «Je suis fier d'avoir réalisé ce travail de mémoire. C'est important pour ma famille mais aussi pour celles et ceux qui sont passés par Pechbonnieu et qui ont été sauvés des griffes de l'occupant.»

Une préface d'Edgar Morin

Le célèbre philosophe a écrit à Laurent Robène, se souvenant de son passage dans la maison de Pechbonnieu. L'auteur a publié au début de son livre la lettre d'Edgar Morin : «J'ai trouvé refuge chez Mme Robène au cours de l'été 1943 et pour quelques mois.

Déjà y était accueilli Jean Krazatz, antifasciste allemand ami de Clara Malraux, qui allait s'associer à moi au Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et de Déportés. Il y avait d'autres clandestins qui étaient hébergés.

Mme Robène m'a fait faire une carte d'identité vraie à la mairie de Pechbonnieu, mais sous une fausse identité. Nous avons pu organiser un réseau de renseignement et d'incitation à la désertion pour les soldats allemands cantonnés à Toulouse. J'étais aussi responsable régional du RGPD, faisant des tracts pour les prisonniers de guerre et déportés du travail, dans les usines allemandes. Nous les expédions dans des pots de confitures...»

Laurent Benayoun